
Notre soif intarissable de reconnaissance
Selon Eric Berne[1], la soif de Reconnaissance provient d’un besoin vital de stimulation dès notre naissance afin d’assurer la survie de l’espèce qui se transforme à l’âge de raison en besoin de Reconnaissance vis-à-vis de l’autre. En effet, il s’est inspiré des travaux de Spitz (Hospitalisme), d’Harlow sur les primates, de Levine sur les rats qui ont mis en évidence que le développement psychique et mental est favorisé par la manipulation externe, une stimulation des 5 sens provoquant une réaction en chaîne physique et biochimique du cerveau.
Cette stimulation sensorielle est sublimée par la soif de Reconnaissance à l’âge où l’on acquière les notions d’abstraction et de conceptualisation.
Donner du sens grâce à la reconnaissance
Le Signe de Reconnaissance ou Stroke en anglais (caresse) est quelque chose que l’on donne ou que l’on reçoit d’une autre personne, il se doit d’avoir du sens.
Il possède différentes caractéristiques, conditionnel ou inconditionnel, négatif ou positif, verbal ou non verbal.
Tout d’abord, il peut être agréable (positif) ou désagréable (négatif) à entendre, à voir, à ressentir, c’est à la personne seule d’en juger.
Ensuite, il peut être conditionnel, en fonction de ce qu’à fait la personne : « Tu n’as pas bien finalisé ce dossier » ou bien inconditionnel, en fonction de l’attitude de la personne ou de ce qu’elle est : « Tu n’est pas assez rigoureuse dans ton travail ».
En formation de management, certains managers ont particulièrement du mal à donner des Signes de Reconnaissance lorsqu’ils doivent être négatifs. Déjà, ils ont peur de la réaction de leur collaborateur face à leur critique. Puis ils confondent le conditionnel et l’inconditionnel, c’est à dire qu’ils confondent la façon d’être et la façon de faire de la personne.
Par exemple, un manager voyant le bureau mal rangé de son collaborateur lui disait qu’il n’était pas sérieux, ce que ce dernier prenait très mal, il pensait à tout le travail qu’il avait réalisé auparavant et se sentait incompris. Le message n’était pas passé.
La solution envisagée est de donner deux signes de Reconnaissance à la fois, un positif et un négatif, selon un ordre choisi par celui qui le recevra et de donner plutôt un Signe de Reconnaissance conditionnel si la critique porte sur la réalisation du travail. En effet, « Pourrais-tu mettre de l’ordre dans tes affaires » sera perçu comme une critique constructive qui permettra au collaborateur de se perfectionner. Ce signe de Reconnaissance négatif jouera alors un rôle éducatif positif. Un Signe de Reconnaissance inconditionnel n’est pas négociable et n’a pas forcement besoin d’arguments cependant il peut avoir un rôle d’autonomie en permettant de rendre la liberté de choix à la personne qui le reçoit. « Je n’aime pas ton attitude face aux autres collaborateurs », est un message clair, la personne aura le loisir de modifier son comportement ou non.
Le Signe de Reconnaissance peut être verbal sous la forme d’une Transaction ou bien non verbal, un manager qui accueille chaque matin ses collaborateurs avec un grand sourire ou en faisant la moue, ne sera pas perçu de la même manière et cela aura autant d’impact qu’une remarque de sa part. Je me souviens d’un manager qui ne se rendait pas compte que son stress se répercutait sur son visage, il a fait un effort pour paraître moins crispé en travaillant avec le sourire et a perçu rapidement un regain de motivation dans son équipe après ce changement d’expression…
Les 5 qualités d’un signe de reconnaissance authentique
Le fait de donner un Signe de Reconnaissance est donc très sensible surtout si ses propriétés intrinsèques ne sont pas respectées. Voici ses cinq qualités indispensables :
- Approprié : en accord avec la réalité de la personne et de la situation.
- Dosé en rapport avec la culture :en fonction de la nature de la relation, de la culture de l’entreprise…
- Personnalisé :spécifique à la personne concernée.
- Sincère :attention à la critique à peine voilée.
- Argumenté :pouvoir apporter des arguments, des preuves en cas de doute.
Pour une bonne circulation des signes de reconnaissance au travail
Il y existe des difficultés à donner mais aussi à recevoir des Signes de Reconnaissance, c’est ce que le psychologue Claude Steiner[2]nomme l’économie des Signes de Reconnaissance.
- Ne donne pas : Certains managers ne souhaitent pas en donner car ils pensent que leurs collaborateurs vont en profiter pour demander plus de salaire, d’autres avantages…
- Ne demande pas : Certains collaborateurs ne cherchent même pas à en obtenir sinon ils pensent qu’ils ne seront pas redevables, pas naturels ou bien qu’ils n’auront rien en retour.
- N’accepte pas : Certains collaborateurs ne les acceptent pas car ils se méfient, ils pensent qu’il faudra travailler plus en retour…
- Ne refuse pas : Une collaboratrice acceptait de son patron des compliments insistants sur son physique par politesse puis elle se sentait mal à l’aise.
- Ne t’en donne pas à toi-même : Un collaborateur n’acceptait pas les Signes de Reconnaissance des autres et ne s’en faisant jamais car il estimait qu’il était normal de travailler dur…
Chacun filtre les Signes de Reconnaissance en les occultant, en les déformant ou en les minimisant en fonction de son cadre de référence, c’est le Filtre à stroke.
En revanche, on se souvient des strokes de chacun, une assistante énumérait tous les Signes de Reconnaissance de son ancien patron avec nostalgie… C’est sa banque des strokes.
Ainsi l’un des rôles majeurs du manager est de réguler au mieux la circulation des Signes de Reconnaissance pour une bonne entente au sein de son équipe.
D’ailleurs la reconnaissance au travail n’est-elle pas un facteur majeur de motivation.
[1]« Structure et dynamiques des organisations et des groupes », Eric Berne, Editions d’AT, 1966
[2]« La gestion des signes de reconnaissance », Claude Steiner, Actualités en AT, Vol.2, N°5